LA DÉMONSTRATION DES DÉGÂTS DE L'ACÉTONÉMIE AVEC LE CÉTO'SCAN
L'incidence de l'acétonémie sur les performances apparaît bien avant les signes cliniques et s'accentue au fil de la lactation. Le nouvel indicateur Céto'Scan permet de détecter précocement les animaux atteints pour intervenir au plus vite.
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L'ACÉTONÉMIE EST UNE MALADIE MÉTABOLIQUE récurrente en élevage laitier. Elle entraîne des pertes de production importantes et prédispose à de nombreux accidents sanitaires : déplacement de caillette, métrite, mammite. L'impact économique peut être énorme sur un troupeau. D'autant plus que la détection est difficile : seulement un cas visible avec signes cliniques (perte d'appétit, haleine à l'odeur de pomme, bouses sèches) pour cinq cas non-détectables pourtant déjà associés à des baisses de performances.
L'an dernier, Orne Conseil Élevage a créé un nouvel indicateur de l'acétonémie : le Céto'Scan. À partir des échantillons de lait du contrôle de performance (donc sans prélèvements supplémentaires), il utilise les analyses infrarouges du lait permettant de doser les corps cétoniques. Ce bio-modèle agrège aussi d'autres données telles que le rapport TB/TP. Deux jours après le prélèvement, l'éleveur reçoit une note de 0 à 5 pour toutes ses vaches et pendant les cent premiers jours de lactation. La note 0 correspond à un animal sain, entre 1 et 2, l'animal est douteux, au-delà, il est malade. « Cet indicateur a l'avantage d'être plus précis que les méthodes de détection classiques. Ensuite, toutes les vaches en début de lactation sont sous surveillance. Elles reçoivent chacune trois notations pendant les trois premiers mois de la lactation. Nous sommes dans l'acte de prévention qui permet d'intervenir sur les cas subcliniques. En un seul coup d'oeil, l'éleveur repère ses vaches malades et ses vaches douteuses et peut réagir rapidement », explique Yann Martinot, directeur technique d'Orne Conseil Élevage.
30 % DES VACHES DOUTEUSES OU MALADES
Pendant l'hiver 2012-2013, environ 50 % des élevages ornais adhérents ont eu recours à ce nouveau service, 30 000 vaches ont ainsi été évaluées soit près de 180 000 données qui ont permis à Yann Martinot d'évaluer l'incidence de l'acétonémie sur les performances. Premier constat, 30 % des prim'holsteins et 25 % des normandes ont été notées entre 1 et 5 (de douteux à malades). C'est assez logique car les prim'holsteins mobilisent plus facilement leurs réserves. Mais quelle que soit la race, plus la note s'élève, plus la baisse de production laitière est importante : dès la note 1, la perte est de 1 kg/VL/j pendant les cent premiers jours de lactation et on atteint une baisse de 5 kg pour les vaches notées 5. Cette analyse montre aussi que plus le stade de lactation progresse dans le temps, plus l'écart de production entre les vaches saines et les vaches malades s'accroît. Ainsi, à 50 jours de lactation, l'écart est de 15 kg de lait entre une note 0 et une note 5. « Un tel gradient nous a un peu surpris. Il montre que l'animal encaisse de moins en moins bien ce dysfonctionnement métabolique, d'où l'intérêt d'intervenir vite, avant les premiers signes cliniques », insiste Yann Martinot. Le TP suit également le même mouvement : les vaches en note 0 affichent un à deux points de plus que les vaches notées de 1 à 5.
L'analyse des résultats s'est également intéressée à l'incidence sur le niveau de cellules. Là aussi, le résultat est sans appel, les animaux sains ont nettement moins d'infections mammaires que les autres. (215 000 cellules pour la note 0 contre 550 000 cellules pour les notes entre 3 et 5). Comme pour la production laitière, plus on avance dans la lactation, plus l'impact de l'acétonémie est fort. « Une vache avec une infection mammaire a tendance à moins manger. Elle est donc plus exposée à la cétose. Inversement, l'acétonémie affecte les défenses immunitaires et expose l'animal à des mammites. La cétose altérant certaines fonctions physiologiques, les performances de reproduction pourraient aussi être diminuées. Il sera intéressant de croiser les notes du Céto'Scan avec le taux de réussite en première IA et les vaches à plus de 3 IA », explique Yann. Son étude démontre clairement que les vaches en note 1 et 2, donc en état de cétose subclinique non repérable par l'éleveur, subissent déjà des pertes de production et davantage de cellules.
CHERCHER LES PRÉCURSEURS DU GLUCOSE
Les indicateurs du Céto'Scan permettent donc à l'éleveur d'intervenir rapidement. En matière de traitement curatif et préventif, la référence reste l'administration de propylène glycol. Cet additif alimentaire de synthèse (utilisé en alimentation humaine) est très riche en énergie (1,7 UFL) mais son efficacité n'est pas là. Il est apporté en trop petite quantité pour empêcher les vaches de maigrir en début de lactation. Le propylène glycol est avant tout un précurseur du glucose qui permet de relancer le recyclage des corps cétoniques par le foie. En outre, la fraction digérée au niveau du rumen produit de l'acide propionique (C3), précurseur du glucose.
L'utilisation de glycérol, certes moins onéreux que le propylène, est plus controversée car sa digestion apporte des acides acétique et butyrique, favorables aux corps cétoniques.
Le Céto'Scan permet de guider l'éleveur dans l'administration du propylène glycol. Pour les notes entre 3 et 5, pas d'hésitation, un traitement d'une à trois semaines à 300 g/jour s'impose. Pour les notes 1 et 2, l'éleveur peut agir au cas par cas après avoir observé l'animal : un traitement d'une semaine au propylène glycol peut être envisagé mais augmenter les apports énergétiques dans la ration est un autre levier efficace.
LIMITER LES ALIMENTS CÉTOGÈNES
« En privilégiant les aliments précurseurs de l'acide propionique, c'est-à-dire l'ensilage de maïs et les concentrés de type amidon (céréales) plutôt que les concentrés à parois (pulpes). Il faut s'efforcer de limiter, dans la mesure du possible, les aliments cétogènes tels que la betterave, la mélasse, les matières grasses (huile de palme, graine de lin, etc.) mais aussi éviter les ensilages mal conservés riches en acide butyrique. Il faut être particulièrement attentif aux rations à ensilage d'herbe en plat unique quand les conditions de récolte et de conservation ont été mal maîtrisées », avertit Yann. L'administration de propylène glycol peut être anticipée sur les vaches trop grasses où l'acétonémie sera sûrement au rendez-vous. Ces vaches grasses ont un appétit fortement réduit après le vêlage. Le déficit énergétique est alors important et la mobilisation des lipides excessive. L'administration de propylène glycol une à deux semaines avant le vêlage permettra d'évacuer les corps cétoniques. « La première des préventions est la conduite alimentaire en fin de lactation et pendant le tarissement de façon à ne pas avoir de vaches avec des notes d'état corporel (NEC) supérieures à 3. Les lactations longues, les tarissements longs, les rations complètes et le robot de traite sont autant de facteurs de risque. L'autre levier de la prévention est l'alimentation en début de lactation : respecter la transition alimentaire, apporter suffisamment d'énergie, maîtriser le rapport PDIE/UFL (entre 105 et 110), et privilégier les précurseurs du C3, donc l'ensilage de maïs et les concentrés de type amidon. Évidemment, on s'expose alors au risque d'acidose. Mais une ration de début de lactation est toujours un savant équilibre à trouver », conclut Yann.
DOMINIQUE GRÉMY
Toutes les vaches sont sous surveillance pendant le début de la lactation. Elles reçoivent une note comprise entre 0 et 5, une alerte qui, en un coup d'oeil, permet de repérer les cas subcliniques.
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